« Qu’est-ce donc que la mobilité ? Si personne ne me le demande, je le sais : mais que je veuille l’expliquer à la demande, je ne le sais pas! », pour paraphraser  Saint-Augustin.

Complexe, la mobilité est un concept polysémique situé au croisement de nombreuses disciplines : la géographie, la sociologie, l’aménagement du territoire, l’urbanisme, la psychologie… Elle comprend différentes échelles et temporalités. Tentant de démêler cette notion, Rezo Pouce concentre sa réflexion et ses actions sur les déplacements du quotidien et dépasse le concept de mobilité en introduisant celui de « motilité » (Kaufman, Jemelin, 2004).

 

La mobilité ? Des mobilités ? : une constellation de notions

Définie comme le « caractère de ce qui peut être déplacé ou de ce qui se déplace par rapport à un lieu, à une position » par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, la mobilité – du latin « mobilitias » – caractérise le fait ou la facilité à se mouvoir dans le temps et l’espace. Rapportée à différents champs d’étude, la mobilité comprend une diversité de réalités et de pratiques :

  • En géographie, la mobilité s’applique à des déplacement d’individus, et non à des déplacements de biens (apparentés plutôt à des flux). Les jeunes sont particulièrement sensibles à cette dimension. Leurs mouvements sont valorisés, comme des cheminement pour une quête de sens, pour un accomplissement de soi. Les années d’études à l’étranger pour des étudiant.e.s s’inscrivent dans le cadre de « mobilité internationale ».
  • En géographie urbaine sont étudiés sous l’appellation « mobilité spatiale », les déplacements entre différents espaces de vie, dans une temporalité du quotidien, plutôt à une échelle locale (qui tend à s’accroître). C’est cet aspect de la mobilité que les actions de Rezo Pouce adressent.
  • En géographie sociale, on parle de mobilité sociale. Fortement en lien avec la mobilité spatiale, la mobilité sociale renvoie à la capacité de circulation dans l’échelle sociale[1].
  • En sociologie, la mobilité est perçue par le biais de déplacements de populations sur un temps long. Elle s’intéresse davantage aux mouvements migratoires.

 

La mobilité du quotidien comme dimension structurante de nos vies

Préoccupation ordinaire, la mobilité du quotidien renvoie à des problématiques diverses : l’accès à l’emploi, l’éducation, les services publics, à l’inclusion sociale, à des enjeux environnementaux, au développement économique… Elle constitue un critère essentiel de la qualité de vie.

L’étalement urbain, l’éloignement du domicile des lieux de vie, la précarité de l’emploi rendant nécessaire la flexibilité de la part des travailleur.se.s , la multiplication des activités des membres d’un foyer et la diversification des services de mobilité ont complexifié nos besoins et nos pratiques. Pour y répondre, de véritables stratégies de jonglerie sont opérées entre les différents agendas, prérogatives et offres de mobilité disponibles.

D’après l’Enquête Nationale Transports et Déplacements (ENTD) de 2008, 83% des kilomètres parcourus sont effectués en voiture et dans 67% des cas avec seule une personne à bord[2] !

De plus,  l’étude révèle  qu’entre 1994 et 2008[3], les déplacements – tous types confondus – ont augmenté de 6% en durée et de 12% en distance.

Enfin, la mobilité constitue un pôle important des dépenses des ménages. L’Enquête Budget de Famille 2011[4] a révélé que 17,4% du budget des ménages était alloué aux transports, soit 4 610 euros par an, par ménage, en France métropolitaine.

 

La mobilité au quotidien en milieu peu dense : un enjeu majeur

Les espaces de faible densité, bien que très divers, partagent des défis communs en termes de déplacements quotidiens. La raréfaction et l’éloignement des services de proximité et des bassins d’emplois, la faible desserte en transports en commun, le vieillissement de la population et  l’inégalité d’accès à internet y créent parfois un sentiment d’isolement . Seule l’automobile permet alors de se soustraire à cet enclavement.  Cette réalité s’avère d’autant plus préoccupante que les foyers des milieux peu denses sont particulièrement vulnérables à l’évolution du coût des transports (projet MOUR, 2013). Il semble alors urgent de repenser les politiques de mobilité pour les territoires de faible densité.

Face à ces nombreux challenges, ces territoires deviennent des laboratoires d’expérimentation[5] et méritent donc qu’on s’y attarde.

 

Et pour aller plus loin ? De la mobilité à la motilité

La mobilité renvoie à deux dimensions : le déplacement lui-même et la possibilité-même d’effectuer ce déplacement, la motilité. Cette potentialité, qu’elle soit exploitée ou non, permet de mesurer le « champ des possibles » et ainsi, de saisir des opportunités et de développer des projets.

Selon Kaufman et Jemelin (2004), la motilité s’articule autour de trois composantes :

  • l’accessibilité, c’est-à-dire l’accès économique, géographique et temporel à une offre de transports et/ou à un véhicule. En d’autres termes, de quels services de mobilité bénéficie-t-on ? Dispose-t-on d’une voiture ? D’une gare à proximité ? A quelles heures passent les trains ? A quels tarifs ? etc.
  • la compétence. Quels savoir-faire permettant de se déplacer a-t-on acquis ? Et sur quelles capacités d’organisation et de planification peut-on s’appuyer pour mettre en oeuvre un trajet ?
  • l’appropriation. L’appropriation renvoie au « sens donné par les acteurs aux possibilités de mobilité auxquelles ils ont accès. C’est la manière dont les individus évaluent leurs possibilités d’être mobiles. L’appropriation relève donc de stratégies, valeurs, perceptions et habitudes. Elle se construit notamment par l’intériorisation de normes et de valeurs. ».

Aussi, Rezo Pouce travaille à accroître la motilité des habitant.e.s des territoires peu denses sur ces trois dimensions.

  • l’accessibilité : Rezo Pouce offre des services inédits – les arrêts sur le pouce, Rezo Séniors, Rezo Pro (sur lesquels nous reviendrons ultérieurement).
  • la compétence : Rezo Pouce met à disposition un panel d’outils pour faciliter la pratique de l’auto-stop. Les fiches de mobilité synthétisent l’offre de mobilité d’un territoire, des conseils pour effectuer ses trajets en auto-stop sont prodigués, les témoignages d’autostoppeur.se.s rassurent, les fiches destinations sont fournies.
  • l’appropriation : Rezo Pouce cherche à déstigmatiser la pratique de l’autostop. L’autostop s’adresse à tou.te.s. C’est un moyen de se déplacer simple, efficace, économique et écologique qui crée du lien social.

Alors que la voiture prédomine en milieu peu dense, Rezo Pouce crée les moyens de diminuer l’autosolisme tout en assurant la possibilité d’avoir un moyen de se déplacer !

 

En bref…

La mobilité, telle que l’entend Rezo Pouce, correspond aux déplacements du quotidien. Ceux-ci participent grandement à notre qualité de vie, notamment en raison de leur durée et de leur coût. Ces problématiques se renforcent en milieu peu dense, où de faibles dessertes de transports en commun associées à l’éloignement et la raréfaction des lieux de vie entraînent une dépendance forte à la voiture individuelle. Pour approfondir cette réflexion autour des enjeux de mobilité, Rezo Pouce se réfère au concept de motilité. Celui-ci renvoie à la possibilité-même d’effectuer des déplacements. Par ses actions, Rezo Pouce renforce la motilité des habitant.e.s des milieux peu denses.

 

Et vous, êtes-vous mobile ou motile ?

 

Bibliographie :

BONERANDI, Emmanuelle. Mobilités, flux et transports.

BRICE, Lucie, DATSENKO, Radmila, GUISSE, Nelly, et al. Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2017. 2017.

– KAUFMANN, V. et C. Jemelin (2004),“La motilité, une forme de capital permettant d’éviter les irréversibi lités socio-spatiales?”. Espaces et sociétés aujourhui.

– LE JEANNIC, T. La mobilité des Français, panorama issu de l’enquête nationale transports et déplacements 2008. Paris: ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, 2010.

– ARMOOGUM, J., HUBERT, J. P., FRANCOIS, D., et al. Enquête nationale transport et déplacements 2007-2008. IFSTTAR, Paris, 2008.

 

[1]             Rezo Pouce vous conseille à ce sujet le roman « La Place »,  récit autobiographique d’Annie Ernaux, professeure de lettres issue d’une famille ouvrière, puis commerçante.

[2]
Chiffres issus de l’Enquête Nationale Transports et Déplacements (ENTD)

[3]
Nous présentons les chiffres les plus récents. Les étude de mobilité sont conduites environ tous les dix ans en France afin d’évaluer les changements de comportement. La nouvelle enquête « Mobilité des personnes 2018-2019 » est actuellement en cours.

[4]
Résultats de l’enquête disponibles ici : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015662?sommaire=2015691#titre-bloc-5

[5]
voir le dossier : Les territoires ruraux et péri-urbains, terres d’innovation pour la mobilité durable. Un enjeu majeur, des initiatives indispensables, La Fabrique Ecologique, juin 2017, disponible en ligne : http://docs.wixstatic.com/ugd/ba2e19_3e2e30b45ef8458588be67efb90992ca.pdf